samedi 21 mars 2009

La langue d'un peuple

Ça devient presqu'une habitude. Souvent le samedi matin, comme je suis un lève-tôt, je profite que toute la maisonnée dort encore et je vais prendre mon petit déjeuner au resto du village. Je me prend une copie du Journal de Montréal et le lis d'un bout à l'autre tout en mangeant mes 'deux oeufs tournés, saucisses et pain blanc' et en sirotant 2-3 tasses d'un café un peu insipide. J'aime ça, c'est relaxant. Même à 8 heures le samedi matin, il y a toujours pas mal de monde. Du vrai monde. Même si St-Lazare n'est pas très loin de Montréal, il y a encore beaucoup de 'campagne' dans le parler des gens.

Ce matin toutefois, on a battu des records. Je m'assois dans un coin tranquille et j'entreprends la lecture de mon journal. Mais une discussion à très haute voix entre 2 clients, qui ne sont même pas assis à une même table, me distrait de ma lecture. Ils ne sont pas fâchés l'un contre l'autre, c'est vraiment par habitude et pour être certain de bien se faire comprendre qu'ils parlent à haute voix. J'ai l'impression de faire un retour en enfance alors que j'habitais le petit village agricole de St-Isidore. Vous savez, dans le domaine où je travaille, on côtoie beaucoup de gens de la ville. Le langage est plus élaboré, l'habillement plus recherché et les manières plus modérées. Et avec le temps, on finit par adopter le style propre au milieu de travail que l'on évolue.

Donc j'écoute la discussion entre la madame et le monsieur et je ne peux m'empêcher de sourire. Ce n'est pas grave si j'esquisse quelques sourires car je leur fais dos. (On note ici l'utilisation délibérée du mot sourire sous forme de verbe et presque immédiatement suivi du même mot sous une forme de nom commun, les deux s'écrivant de façon identique). Le monsieur, que je ne connais pas, de par la tonalité de sa voix et des mots qu'il emploie me fait irrémédiablement penser à ... Elvis Gratton. Lui de dire: 'Crisse, moé, j'leur dit aux jeunes qui sont pas travaillants. Quand j't'ais jeune, j'travaillais les samedi pis les dimanches itou, tabarnak!'. Et la dame de répondre: 'Y pensent que l'argent cé tout c'ki compte. Y pensent jusse à montrer leur estie de nouveau char'. Du vrai bonbon.

Ce n'est surtout pas mon intention de me moquer du langage de ces gens, parce que bien honnêtement, j'utilise encore pas mal de joual dans mon parler de tous les jours. Mais j'avais vraiment l'impression de voir un film québécois des années 70, genre 'deux femmes en or'. À force de travailler dans les grandes villes et de fréquenter des gens utilisant un français plus international, on en vient à oublier qu'encore aujourd'hui la plus grande majorité du Québec vient de la campagne. J'imagine que c'est encore de cette façon que sont perçus les québécois dans le monde. Une bande de campagnards qui parlent un joual unique et coloré.

D'ailleurs c'est intéressant de constater mon amusement à écouter ce genre de langage. J'ai l'impression que mon parler et le choix de mes mots sont relativement 'recherchés'. Par contre ma fille l'autre jour s'est elle même dit amusée par le langage que j'utilise dans mon quotidien. J'imagine que j'échappe parfois quelques mots en joual et quelques expressions un peu dépassées. On peut sortir de la campagne, mais on ne peut pas sortir la campagne de soi. Mais ce genre de remarque ne m'insulte nullement, surtout venant d'une ado qui saupoudre ses phrases de mots tels 'j'capote', 'cool' et 'hot'. Autres temps, autres moeurs.

Note mes jeunes lecteurs et lectrices:
  • Le mot 'insipide' veut dire: sans saveur, sans odeur et sans couleur.
  • Le mot 'parler' n'est pas seulement un verbe. Il peut s'utiliser comme un nom masculin pour désigner une manière de prononcer.
  • Le verbe 'saupoudrer' veut dire: couvrir d'une fine couche de matière.
Juste au cas où vous n'auriez pas tout compris...

À la r'voyure!

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